Toulouse va découvrir le grand soprano dramatique français de notre temps : Catherine Hunold
Avec l’Ariane de Richard Strauss, Christophe Ghristi fait débuter sur notre scène la représentante d’une tessiture rarissime, celle du soprano dramatique. Une véritable wagnérienne française comme il en existe peu par génération. Voire pas du tout ! Un trésor.
Classictoulouse : C’est la première fois que vous chantez au Théâtre du Capitole ?
Catherine Hunold : Oui effectivement, ce sont mes débuts sur la scène du Théâtre du Capitole mais c’est aussi la première fois que je chante Richard Strauss et c’est donc ma première Ariane.
: Quels ont été vos professeurs ?
C. H. : J’ai commencé l’étude du chant à Paris avec une Toulousaine, Mady Mesplé. Je devais avoir 18 ans. Dès le début elle me prédit que je chanterai Wagner et les « Français inchantables » comme Le Mage de Massenet, Pénélope de Fauré, Les Barbares de Saint-Saëns, Bérénice de Magnard et cette année Sigurd de Reyer. J’ai chanté mon premier Wagner à 35 ans à l’Opéra de Prague, rien moins qu’Isolde, après j’ai enchaîné avec Brünnhilde de Walkyrie, Ortrud de Lohengrin. En fait je ne suis pas passé par la case des sopranos blonds type Elsa, Elisabeth, Senta ou Eva. |
: Quand avez-vous eu conscience que votre voix était celle d’un soprano dramatique ?
C. H. : C’est très particulier mais je pense que cela arrive à beaucoup de chanteuses. Avec Mady je travaillais Mireille, Constance et même madame Lidoine. Puis j’ai eu ma fille et alors là, ma voix a totalement changé. Ce bouleversement hormonal, classique d’ailleurs dans cette situation, a modifié ma tessiture, mon timbre est devenu plus charnu, plus riche, les harmoniques de mon registre médium se sont ouvertes à l’aigu. C’est le moment où j’ai intégré la troupe du Vlaams Opéra et là il a fallu que je reconstruise toute une autre technique. J’ai rencontré alors Margaret Price avec qui j’ai travaillé les Mozart et c’est elle-même qui m’a recommandé au bout d’un moment de m’orienter plutôt vers les grands Verdi. J’ai eu la chance également d’étudier Ariane et Tosca avec Christa Ludwig.
: A quelle filiation pensez-vous en termes de grand soprano dramatique française ?
C. H. : Sans hésiter Germaine Lubin et Régine Crespin, qui sont les plus emblématiques, mais il y a eu aussi Berthe Monmart.
: A présent parlez-nous de cette Ariane.
C. H. : C’est un grand moment. Je n’imaginais pas du tout que ce personnage allait autant m’interpeller. Avec ce rôle nous sommes dans une incarnation littéralement viscérale, très différente des incarnations wagnériennes beaucoup plus directes. Depuis un mois je suis hanté par Ariane, je pense Ariane, je vis Ariane. De plus avec Michel Fau nous sommes au plus près du texte. C’est un personnage contradictoire qui dit tout et son contraire. Elle dit qu’elle ne sait pas si elle est morte ou si elle est en vie, elle sait puis elle ne sait plus, elle est folle puis elle est sage. Ariane prend Bacchus pour Hermès et va le suivre par fidélité à Thésée, car Hermès est le messager de la mort. C’est un personnage très entier.
: Vocalement ?
C. H. : C’est un plaisir immense dans lequel il faut conjuguer la longueur des phrases sublimes écrites par Richard Strauss et le sens profond du texte de Hofmannsthal. Si l’on fait les deux et c’est ce vers quoi nous pousse Michel Fau cela devient passionnant mais difficile car c’est un homme de théâtre très précis qui travaille aussi dans la démesure. C’est excitant et fabuleux à la fois.
: Avez-vous un rôle-signature ?
C. H. : En fait j’en ai deux, un ange et un démon : Madame Lidoine et Ortrud.
: Quels autres rôles avez-vous en perspective ?
Pas mal de propositions verdiennes comme Aïda et Nabucco et j’en suis très contente car en fait, à ce jour, mis à part le Requiem et Lady Macbeth, c’est tout un répertoire que je n’ai pas abordé. De même, je n’ai pas de propositions pucciniennes, or j’adorerais chanter Turandot. A venir je pense une autre Ariane, celle de Dukas et j’en suis ravie bien sûr.
Propos recueillis par Robert Pénavayre le 21 février 2019 |