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Entretien avec Kader Belarbi – Ballet du Capitole – Paradis Perdus –
13 au 17 avril 2016 |
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Un espace sacré pour des « Paradis Perdus »
Avec Paradis Perdus Kader Belarbi nous propose, après un début de saison très classique, de nous entraîner dans un univers totalement différent. Avec une entrée au répertoire, Salle des pas perdus et une création mondiale, Mur-Mur, le chorégraphe revient vers la création contemporaine.
ClassicToulouse : Nous voici à quelques jours de la première, comment se présente ce spectacle ?
Kader Belarbi : Aujourd’hui nous sommes à six jours de la première. Je suis très content, nous avons eu la costumière, qui est un peu la révélation de chaque ballet avec la présentation de tout le monde, le trac. On découvre les costumes, les univers de chaque pièce, rien n’est fini, mais, de ce que moi j’ai vu, les choses sont plutôt prometteuses. Comme je suis sur la création, j’ai délégué l’entrée au répertoire, qui est une reprise, à Laure Muret qui l’a dansée. Toute la thématique a voulu que je construise quelque chose qui se tienne. C’est un programme très spécifique, car je trouve que c’est bien pour une compagnie et que c’est nécessaire quand on a fait une Giselle, une Coppélia, d’aller dans un autre style, un autre univers. |

Kader Belarbi © David Herrero |
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Ceci fait partie d’un autre menu. Salle des Pas Perdus s’apparente à la thématique que j’ai choisie, ce qui explique, entre autres, cette reprise. Et je n’avais jamais vu jusqu’à hier la création d’Angel [Rodriguez]. C’était une belle découverte et qui correspondait à ma volonté d’offrir une création d’un chorégraphe, uniquement sur les femmes.Sur le plan de la thématique je suis très satisfait : j’ai vu trois couleurs différentes. De même pour l’accompagnement musical très spécifique : d’abord un pianiste que j’ai trouvé à la dernière minute après plusieurs désistements pour de multiples raisons, et nous aurons Prokofiev en live. Avec Gavin Bryars [Thou Sand of Thugs] nous sommes dans un tout autre univers ; et pour Mur-Mur, avec Luigi Dallapiccola, on est dans une œuvre chorale qui fait référence au début de la saison lyrique. Tout ça pour moi ce sont de bons liens. |
: Et nous allons découvrir tout cela le soir de la première !
K. B. : Mais il n’est pas question de partir dans un pathos. Il n’est pas question de se dire on va passer une soirée d’une tristesse absolue avec Paradis Perdus, la Salle des pas perdus, des Pensées, un Mur-Mur, mais où est-ce que l’on va !! Mais je crois aussi que la danse a besoin simplement, en étant modeste, d’être dans une forme de question, pourquoi pas sociale, pourquoi pas là de mémoire, d’oubli, de faire ressurgir des faits, comme le ballet d’Angel qui fait ressurgir une histoire assez foudroyante très émouvante, ou bien Mur-Mur qui parle d’enfermement, de confinement. Je ne crois pas que ce soit de la tristesse, plutôt une nostalgie sur certaines choses. Et après ce que j’ai vu hier j’ai l’impression de voir quelque chose qui est dans le propos. Et pour moi c’était important d’aller ailleurs… et tellement ailleurs que l’on va à Saint-Pierre des Cuisines !!!
: Ça me parait pour ma part une excellente idée, car le lieu a un enchantement particulier, mais qu’en est-il de l’espace scénique ?
K. B. : C’est super pour danser ! C’est pour le public que ce n’est pas assez, car il y a quoi 400-500 personnes ? J’ai dansé plusieurs fois dans ce lieu, avec Francine Lancelot. Et c’est vrai, c’est un lieu qui est chargé de quelque chose et c’est ça qui m’a donné l’idée d’y faire ce spectacle. Le montage est en train de se faire et j’ai demandé qu’on ne mette pas de pendillons noirs pour ne pas « casser » l’esprit de ce lieu. J’ai demandé un parquet en bois, un lino marron pour s’inscrire en harmonie avec la brique, pour avoir un même espace. Et aucune coulisse !!! C’est vraiment un choix. Quand je lance une thématique, que je choisis des pièces, je sais dans ma tête quel espace je vais donner. Et là c’est magnifique, les danseurs ont un espace immense. Et pour le public, on a également la sensation d’être tous ensembles comme dans une cloche !
Moi je suis en tout cas dans l’excitation d’essayer quelque chose dans un nouveau lieu, avec de nouvelles chorégraphies pour les danseurs. Ils vont être très différents, vous verrez !
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Mur-Mur © David Herrero |
: Mais pour eux aussi, il faut qu’ils changent parfois.
K. B. : Il faut une effervescence. Et c’est mon travail de chorégraphe et de directeur de les emmener dans des endroits où ils ne supposent pas aller. Quand les gens sont trop formels, à ne faire que des pas, que ce n’est que de la gymnastique, que ce n’est pas incarné, cela ne peut pas être. Il peut y avoir des danseurs très matures dans une pièce, et qui ne le sont pas dans une autre. Et ça c’est un travail. Et après quand ils changeront et qu’ils feront Giselle, La Belle au Bois Dormant, ou Don Quichotte, ça va leur servir. Moi, les garçons je les ai mis dans des bottes, volontairement. Et tout d’un coup, ils sont obligés de trouver un autre moyen. C’est pour effacer la forme, car ce qui m’intéresse c’est le fond, c’est l’état. C’est comment ils vont être dans ça. Et s’ils trouvent, ils vont être vivants, ils ne vont pas être simplement plaqués à reproduire une mécanique.
: Que pensez-vous du ballet d’Angel Rodriguez dans votre thématique ?
K. B. : J’ai vu hier son ballet pour la première fois et sans nous concerter nous sommes absolument dans la même démarche. Et sans rien dévoiler, car alors il n’y aurait plus de surprise, il a des choses que nous avons décidées sans se voir et qui sont identiques, lui, chez les femmes et moi, chez les hommes ! A savoir que le mouvement ne peut être vraiment important que s’il est vraiment incarné et qu’il y a une présence. S’il n’y a pas de présence, impossible de faire ressurgir quelque chose qui vient de loin, qui soit connue ou inconnue, comme l’histoire des Treize Roses pour le ballet d’Angel, ou comme pour moi, les différentes notions que je suis en train de faire remonter de l’enfermement, ou peut-être tous les enfermements. Si tout ceci n’est pas vécu, le mouvement ne peut pas le donner. Dans ce genre de programme, avec le peu de temps que nous avons pour le monter, 16 jours à peine, les danseurs doivent se prendre totalement en charge.
Propos recueillis par Annie Rodriguez
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infos |
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Représentations du spectacle "Paradis Perdu" à l'auditorium Saint-Pierre des Cuisines de Toulouse :
Les 13, 14, 15, 16 avril à 20 h et le 17 avril à 15 h.
Réservation
www.theatre-du-capitole.fr
Tel : 05 61 63 13 13 |
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